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Antarctique

Ushuaia, le départ


Ushuaia, jeudi 15 février 2001

J'ai un rhume carabiné et une sorte de laryngite qui m'empêche de parler. C'est bien ennuyeux, car ayant rencontré plein de gens intéressants, je ne cesse d'entamer des discussions aussi passionnées que surréalistes. Après 14 heures de bus à travers la Patagonie chilienne et la Terre de Feu argentine, j'y suis arrivé. Je suis à Ushuaia. L'expérience est forte en émotions. Comment rester insensible au fait d'avoir atteint la ville la plus australe de la terre. C'était pour moi un rêve, tout comme pour tous ces touristes avec qui je partage mon bonheur. La route était longue et poussiéreuse mais quelle récompense. Les chiliens étant toujours en bisbille avec les argentins, en ce qui concerne la Terre de Feu, le seul moyen de venir de Punta Arenas à Ushuaia reste le bus.

"Fin del mundo" la fin du monde : dans tous les recoins de cette ville étrange, l'on retrouve ces mots évocateurs de terres hostiles, d'apocalypse. Si les derniers jours de l'humanité ressemblent à ce spectacle, j'ai presque hâte de les voir arriver.

Je m'attendais à un petit village aux toits multicolores décorés de cheminées enfumées. C'est dans une ville que je suis arrivé. Une débauche de lumières embrase chaque soir ce bout de Terre de Feu, lui donnant une allure de ville balnéaire. Les vitrines des magasins de la rue principale n'ont d'ailleurs aucun complexe à se faire, supportant aisément toute comparaison avec celles de hauts lieux de la jet-set. Le mythe en prend quelques rides.

En fait, la ville s'est développée autour du dieu dollar. Des navires de croisières y font régulièrement escale, déversant des flots de touristes avides de shopping. L'un d'eux vient d'arriver. Il a accouché d'une marée de touristes allemands. Nerveusement, ils sillonnent l'unique rue marchande à la recherche de cadeaux-souvenirs. La plupart de ces touriste ne feront escale que quelques heures. Les minutes sont donc comptées. Quel empressement, quel spectacle pathétique !

On sent qu'on est en Argentine. Les gens sont différents. Ils parlent tellement vite et paraissent stressés, beaucoup plus stressés qu'à Punta Arenas ou même qu'à Santiago du Chili.

Je tombe des nues. J'ai rencontré un couple de fribourgeois à l'hostel où je loge. Ils étaient déjà dans le bus que j'ai pris depuis Punta Arenas mais je ne savais pas qu'ils étaient suisses. J'ai fini par le découvrir grâce à leur sac à dos. Un des leur, était de la même marque que la mienne. Comme cette marque semble ne se vendre qu'en Suisse j'en ai fini par déduire...

Elle est de la Tour-de-Trême (tient, une gruyérienne, comme moi !!!) et lui de Fribourg. Il est journaliste pour le journal la Liberté. Ils sont super sympas et ont parcouru déjà une bonne partie de l'Amérique du Sud. On a discuté de choses et d'autres, mais aussi des coïncidences qui nous attendent à chaque coin de rue, où que l'on se trouve.

Les hostels sont bien souvent des endroits pour voyageurs fauchés, bien qu'on y rencontre toute une faune hétéroclite. Ici, pas ou peu de jeunes ados. La tranche d'âge oscille plutôt entre 25 et 45 ans. Curieusement, alors qu'un voyage en Antarctique est assez onéreux, j'ai été surpris de rencontrer plusieurs personnes partant demain pour cette destination. Je jubile car je serai moi aussi de la partie pour une croisière-expédition de 8 jours sur le 7ème continent.

J'ai réservé mon billet à Punta Arenas il y a quelques jours seulement, dans une agence de voyage spécialisée. Il ne m'a pas été facile de trouver un spécialiste de l'Antarctique. Comme je ne pensais pas me rendre sur ce lieu mythique au départ de mon tour du monde, je ne m'étais pas spécialement documenté sur le sujet. Je m'étais simplement dit qu'une fois sur place l'état de mes finances déciderait. Malgré les dépassements de budget apocalyptiques en Polynésie, je n'ai pas pu résister à l'appel d'un voyage vers ce lieu de légende. Les guides de voyage sont malheureusement assez peu explicites sur le sujet, sauf ceux spécialisés, mais pour trouver un livre spécialisé à Punta Arenas, ou même à Santiago c'est un véritable calvaire. Internet a été de quelque secours, toutefois, cette grande encyclopédie désorganisée ne vaut pas le conseil avisé d'un habitant des lieux.

L'organisation de cette aventure me laisse un peu sur ma faim. Les informations m'ont été données au compte-goutte. L'important était d'apposer mon numéro de carte de crédit et de signer. Les backpackers de l'hostel ne paraissent pas être plus informés. La plupart ont acheté leur billet de la même manière que moi. Ils n'ont reçu, pour toute explication, qu'un bout de feuille mal fait, tapé sur une machine à écrire d'avant guerre et servant de "voucher". La surprise sera au rendez-vous, c'est sûr ! Je ne m'en plains pas, ce sont les aléas du Last Minute !

Ah ! le soleil semble se pointer sur Ushuaia, il est temps de sortir l'appareil photo. J'ai bien fait d'acheter 15 films à Punta Arenas, car ici, ils coûtent pratiquement le double !

Ushuaia, vendredi 16 février 2001

N'ayant acheté que le minimum d'habits pour le froid à Santiago (il faisait 33º C à l'ombre et je venais de passer plusieurs mois à plus de 25º C !), je me suis mis en quête d'une veste qui me permettant de supporter les basses températures. Je n'ai pas eu de peine à trouver tout ce qui m'était nécessaire. Bien sûr, j'ai dû y mettre le prix, m'enfin, la qualité est au rendez-vous. Les boutiques sont très bien équipées, ce qui contraste assez avec celles de Punta Arenas. Mon accent espagnol est toujours un sujet de discussion. Lorsque l'on m'entend parler, on me catalogue la plupart du temps comme sympathique, car espagnol. J'ai été surpris, moi qui pensait que les sud-américains allaient me prendre pour un nouveau conquistador. Ça m'a beaucoup aidé aussi, pour rencontrer des gens très intéressants.

Je suis passé à l'agence de voyage d'Ushuaia où l'on m'a donné rendez-vous. L'horaire de départ du bateau n'allait pourvoir m'être communiqué qu'aujourd'hui. Le départ aura lieu ce soir vers 17-18h00 et on m'a fortement recommandé de me munir de bottes en caoutchouc. Moi qui me suis acheté des bottes en gore-tex pour résister à tout, on m'a informé que j'allais principalement avoir besoin de bottes en caoutchouc. Ceci, du fait que les débarquement opérés depuis des zodiacs, nous conduisent souvent à poser les pieds dans l'eau.

A l'hostel, les conversations vont bon train. Un groupe, mené par un australien, discute toutes sortes de variantes que la croisière va nous permettre de réaliser sur le continent des pingouins (en fait c'est des manchots mais les américains, tout comme les anglais, ne parlent que de pingouins...).

Dans ma chambre, l'israélite qui dormait en-dessous de moi, dans le lit superposé, est parti sans autres hier. C'est d'ailleurs toujours comme ça, dans ces hostels. On croise des gens pour quelques heures, juste le temps de se raconter un bout de notre vie puis ils disparaissent sans laisser d'adresse. Mon compagnon de chambre d'un soir, a été très vite remplacé par un autre. Neil, un australien de Sydney, fort sympa, se rend lui aussi en Antarctique. Il a réservé son voyage depuis des mois. Son expédition semble avoir un goût plus prononcé pour l'aventure. Il part demain. Il sera également sur un bateau russe, mais le nombre de passagers sera nettement moins grand. Ils seront quelques 15 à 20 personnes pour une expédition d'alpinistes ou d'"Antarctinistes" devrais-je dire ! Alpiniste lui-même, il semble assez expérimenté et connaît assez bien les Alpes. Hier soir, nous sommes allés manger dans un restaurant typiquement argentin. Il m'a parlé de ses escalades européennes et australiennes. Fou de photo, il emporte avec lui 40 films dia et il n'en fallait pas tant pour que je me décide à acheter des films dia. A Ushuaia, trouver des films dia n'a pas été trop difficile mais cher. J'ai fini par en acheter 15, si bien que je me retrouve avec 15 films photo et 15 films dia. J'espère avoir suffisamment de matériel et ne pas me retrouver à sec dans un moment crucial. Je n'ai jamais fait de films dia, car j'aime avoir la photo devant les yeux. Pourtant, Marc, avec qui j'ai voyagé pendant plusieurs mois, n'a cessé de me vanter les mérites des diapositives. Les développements et les tirages photos que j'ai fait faire à Santiago, ont fini de me convaincre. Les tirages sont mal faits et souvent, les couleurs ne sont qu'à des années-lumière de ce que j'ai pu voir à travers mon objectif. Même les labos qui se disent sérieux, ne sont pas meilleurs. J'aurais peut-être dû essayer des labos professionnels. Je me suis décidé pour des films dia professionnels. Mon Nikon méritait que je lui donne une chance de me montrer ses qualités (bien que les photos que j'ai prises à l'île de Pâques m'ont convaincu des performances élevées de la machine !).

L'heure d'embarquer approche. Je suis remonté au backpacker et là, j'ai revu quelques têtes connues que j'avais rencontré dans le bus allant de Punta Arenas à Ushuaia. Laurence, un australien mi-fauché aux cheveux longs et adepte d'alpinisme, un hollandais super sympa dont j'ai oublié le nom, se sont adressés à moi, sachant que je partais sur le même bateau. On a décidé de partir du backpacker ensemble. Apparemment, Alix, la française que j'ai rencontrée hier soir est déjà partie. Elle se rend elle aussi en Antarctique.

Son sac à dos sur les épaules, un vieil anglais aux barbes et cheveux de sel s'est soudainement joint à nous. Alors que nous étions entrain de marcher, le voilà qui soudain s'exclame "my camera, I forgot my bloody camera at the backpacker, just wait I'll be back !!!". J'ai posé mes 40 kilos, et me suis mis à attendre. Soupirant, je me suis demandé ce que ce vieil anglais peu sympathique, de prime abord, faisait avec nous. Les lunettes de travers, faisant ressortir sont nez pointu, il a l'oeil malicieux et le caractère peu commode. Essoufflé, il est finalement arrivé, la caméra vidéo à la main et le sourire jusqu'aux oreilles. Tout le monde s'est remis en marche. J'ai vraiment l'impression de partir en expédition.

Le soleil, bien que timide réchauffe les couleurs sauvages de cette terre hostile. Au loin, le Mariya Yermolova, attend ses passagers, comme fatigué d'avoir connu toutes les mers. Il va être mon bateau pour ces 8 prochains jours. Le coeur serré, je me suis approché de cette coque aux allures de vieux bateau de croisière pour une élite soviétique aujourd'hui disparue. Autour, mouillent des vaisseaux tant marchands que pseudo scientifiques. Un vaisseau battant pavillon espagnol, arbore sans complexes ses atours militaro-scientifiques.

Pour aborder le bateau, j'ai dû grimper une rampe peu rassurante.. Une certaine confusion régnait à bord, mais j'ai rapidement été pris en charge par Juan Kratzmaier, un argentin fort agréable et qui s'est empressé de me parler en espagnol. Il est le responsable de la partie hôtel du bateau. Il a l'air très efficace.

Ce qui devait arriver, arriva. J'ai été assez désemparé lorsqu'en entrant dans ma cabine, je me suis retrouvé avec le vieil anglais que j'ai côtoyé à Ushuaïa. En fait, Terry, ce vieil anglais de Nottingham, est des plus sympathiques. Ses allures de vieillard acariâtre ne sont en fait qu'une façade. Chacun a pris ses marques. Je suis dans le bas du bateau et le maigre hublot qui va me servir de fenêtre pour 8 jours, est presque baigné dans l'eau. Moi qui n'ai fait dans ma vie que trois jours de bateau, par mer calme en Australie, je commence à frémir.

Le temps d'aller acheter quelques dernières emplettes à Ushuaïa et de revenir au bateau, qu'une conférence a déjà eu lieu et je l'ai ratée ! Quelle introduction ! Terry m'a transmis les points importants. De toutes façons, à voir la tournure que prend le voyage, je ne vais pas manquer d'informations. Un haut-parleur fixé à l'une des parois de la cabine, distille sans cesse mille et une informations, aussi bien en russe qu'en anglais, dans un volume assourdissant. Terry râle à chaque annonce. Pas moyen de baisser le volume...

Voilà, les machines se sont mises en marche et le bateau commence à s'éloigner du ponton. Ushuaia s'est mise à sourire d'un soleil radieux, comme pour nous souhaiter bonne chance pour la traversée du passage de Drake. Peu de gens connaissent le passage de Drake. Tout le monde, en revanche, a entendu parler du Cap Horn, même si beaucoup ne savent où le situer sur une carte du monde. Pourtant, le passage de Drake est LE passage ! Tellement de navire ont chaviré, se sont perdus sur ce bout de mer, c'est à en attraper une peur bleue ! Au retour de notre périple, il est prévu que nous passions devant le Cap Horn, je m'en réjouis déjà !

Une deuxième séance d'information a eu lieu et on nous a informé que la mer est quelque peu démontée. Nous allons sentir les premiers effets de la houle à partir de deux heures du matin. On nous a conseillé de prendre des pastilles, des patchs, mille et une autre solution pour combattre ce mal de mer tant redouté. Déjà les premiers visages d'angoisses ont pu se lire dans la salle et certains trahissent leur inquiétude en se caressant la tête, en regardant par terre.

Laurie Dexter, le chef d'expédition canadien, a été formel, beaucoup d'entre-nous vont être malade mais la récompense est au bout de cette souffrance de privilégiés. Il nous a conseillé de nous endormir le plus tôt possible, afin de ne pas sentir le roulis qui nous attend. Laurie sait de quoi il parle. Aventurier, il a déjà navigué sur toutes les mers et s'est rendu un nombre incalculable de fois, tant en Antarctique que sur la banquise Arctique.

Sans trop m'inquiéter, je suis parti me balader à travers les ponts du bateau. Arrivé à l'avant, j'ai rencontré ce qui m'a paru être un couple parlant français.

Elle, elle doit être française. Elle parle vite et d'un air décidé. Lui, les Nikons autour du cou et le gilet truffé de d'objectifs et de films, doit être photographe. Comme ils parlent français, je leur ai demandé d'où ils viennent. Delphine, parisienne sans domicile fixe et en voyage depuis une éternité, m'a adressé un sourire charmeur, ses yeux bleus me regardant furtivement. Elle a esquivé ma question, comme pour ne pas avoir à raconter son histoire, pour la millième fois.

Lui, l'allure d'un baroudeur alerte, la coiffure en pétard et le muscle d'acier, est bel et bien photographe professionnel. Chris, vient de Lausanne et s'est présenté comme freelance mais travaillant en grande partie pour le journal 24Heures. L'air étonnés, ils m'ont répondu que "non, on ne voyage pas ensemble !". Apparemment, ils se sont rencontrés quelques minutes avant moi sur ce même bateau.

Curieusement, il y a des gens avec lesquels on ressent tout de suite une sorte de feeling. Quelques mots suffisent. Avec Chris, le fait que nous venions tous les deux de suisse-romande nous a certainement aidé pour trouver des points communs. Après quelques échanges verbaux, Delphine, fort sympathique mais un peu lunatique, a rapidement disparu et je suis resté avec Chris. Il a l'air d'un gars décidé, qui sait ce qu'il veut et qui met tout en branle pour atteindre son objectif !

Le spectacle de ce bateau traversant le canal de Beagle au coucher de soleil est magique. Dire que je me rend en Antarctique. Je vais exhausser ce rêve mythique, m'approcher encore une fois de cette jouissance d'avoir accompli quelque chose de fort, d'intense. Ça me rappelle mon premier vol au-dessus du désert californien, il y a sept ans. Mon brevet de pilote sentait encore l'encre. Je volais seul, à bord de ce vieux Cessna délabré, chantant à tue tête par-dessus les éoliennes de la colline de Livermore à côté de San Francisco. Je croyais avoir touché Dieu par le bout des doigts et voilà que je me lance à nouveau dans une aventure encore plus intense. J'ai déjà parcouru la moitié de la terre, visité des pays extraordinaires, rencontré des gens fabuleux, et là, je me dirige vers cette inconnue aussi hostile qu'immaculée.

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